Le 12 juin 2014 13 000 personnes habillées en blanc se sont réunies sur les ponts de Paris pour le fameux Dîner en Blanc.
Club de Chance était présent avec 150 personnes – membres de l’association et leurs amis.
Alors si le plaisir est codifié, quels en sont ses codes ?
Nous avons interrogé Sébastien Talon – expert de l’étiquette français, profession de savoir vivre de la Belle École de Paris
« Souvent imités, mais jamais égalés », les dîners en blancs de Paris sont une institution sociale qui depuis plus de vingt-cinq ans sont organisés en secret dans un lieu de Paris.
Seule une équipe de quelques personnes savent ce qu’il en est, la Police, les autorités, et les invités eux-mêmes sont prévenus au dernier moment. Le dîner mondain relève sociologiquement d’un paradoxe, celui de l’expression de la démocratie directe, ultime moment où ce sont les participants qui définissent les règles d’occupations de l’espace public. Et celui plus ancien d’un principe de plaisir et de partage codifié autour de l’art de vivre. Car le dîner en blanc est à Paris l’une des dernières traces de ceux qui ont souhaité faire de la vie un art.
Alors, quels en sont ses fameux codes ?
Tout d’abord comme son nom l’indique il s’agit d’un dîner en blanc. Traditionnellement les éléments les plus formels sont marqués par cette couleur. Un dîner avec cravate blanche sera bien plus important qu’un dîner en smoking. Puis il s’agit pour la tenue intégrale du blanc, d’une façon de célébrer l’été. En effet en été les hommes comme les femmes peuvent porter du blanc pour avoir moins chaud. Sur les rives de la Méditerranée par exemple on va jusqu’à porter le smoking à veste blanche. Lors de ces dîners, il est important de respecter ce principe.
Puis il s’agit de venir avec une table et une nappe blanche. Traditionnellement à Paris, la table pliante est celle servant pour le bridge. Cela peut sembler clivant, mais à l’origine, ce concept est très démocratique, en effet tout le monde peut jouer au bridge, à tel point que les chroniqueurs des années 30-40 faisaient clairement la distinction entre les maisons ayant des tables à jeux, et celles ayant des tables de bridge. Donc la table de bridge, de 1m de côté, est recouverte d’une nappe blanche. Les serviettes sont blanches également. À cela s’ajoutent les chaises pliantes blanches également.
Puis le couvert. Il est toujours pensé pour deux personnes. Normalement c’est toujours un homme, une femme. Les assiettes sont en porcelaine blanche, les couverts sont en argent, le métal blanc en France, et les verres en cristal. Certains puristes vont jusqu’à boire du vin blanc. Attention si vous apportez du vin rouge, pensez à votre dessous de bouteille, en argent bien évidemment.
Pour le reste le dîner en blanc tient de l’étiquette d’un dîner parisien, et de celle d’un pique-nique. Donc quelques rappels de base. Tout d’abord il est important d’être ponctuelle au rendez-vous donné. Fort de l’inconnu du lieu, être en retard, signifierait rater le départ et le lieu. Puis une femme ne se sert jamais de vin toute seule, c’est à l’homme qui l’accompagne de la servir. À ce dîner elle ne peut, à moins de venir avec des amis, demander à quelqu’un d’autre de la servir. En effet c’est un pic ni où chacun apporte son repas. Attention à respecter le lieu où cela se trouve. En effet, il n’y a personne qui passe après. Il est donc important, comme pour un pique-nique de veiller à laisser le lieu propre après son départ.
Autre petit point. Ce dîner est ouvert à beaucoup, vous risquez de croiser des personnalités que vous appréciez, le temps d’un soir, si tel est le cas, vous devrez réfréner vos ardeurs, et faire comme si vous les aviez toujours connus. Pas d’autographe ni de photo avec un tel.
Enfin, veillez à respecter l’étiquette des couverts. Sur du blanc les taches ne pardonnent pas ! Rien ne doit reposer sur l’assiette et la table, les couverts ne se croisent jamais. Penser à des aliments simples et peu salissants comme lors d’un déjeuner sur l’herbe.
Fort de tout cela, appréciez votre dîner en blanc. Pour ma part, j’ai l’habitude de penser que Paris est une vieille marquise mourante, dont le monde se presse à son chevet pour la veiller. Il n’y a qu’une exception à cela.
Le soir des dîners en blancs, Paris redevient Paris, ville de lumière et des élégantes. Le temps d’un dîner, Paris est la ville blanche.
Sébastien Talon
Photos Pascal Goncz (voir ici)
Film de Natalia Bogdanovska « Dîner en Blanc » voir ici